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Mots et Monts

Au revoir là-haut – Pierre Lemaître

Je viens de lire avec plaisir le roman de Pierre Lemaître, à qui a été attribué le prix Goncourt.

Voici quelques mots concernant ce roman que j'ai trouvé captivant, parfois « macabre », jubilatoire, profond et émouvant.

Enfin, j'ai beaucoup aimé les portraits des personnages ; ils constituent l'essentiel de cet article et peut-être vous inciteront-ils à en savoir plus...

RESUME

Novembre 1918.

Édouard Péricourt et Albert Maillard n'ont rien en commun si ce n'est la vie des tranchées. Ils sont sous les ordres du lieutenant d'Aulnay-Pradelle, homme décidé, sauvage et primitif qui, au cours d'un même assaut, brise la vie de l'un et l'autre à quelques jours de l'armistice. Dans une France où le commerce nauséabond prospère sur le traumatisme de la Grande Guerre et le culte des poilus, Édouard et Albert montent ensemble une arnaque scandaleuse, géniale et terriblement risquée.

LES PORTRAITS (Extraits)

Edouard PERICOURT

On disait parfois le « petit Péricourt » pour jouer avec le paradoxe, parce que, pour un garçon né en 1895, il était extrêmement grand, 1 m 83, vous pensez, c'était quelque chose. D'autant qu'avec une taille pareille, on a vite l'air maigre...

Dans les écoles qu'il fréquentait, tous étaient comme lui des gosses de riches à qui rien ne pouvait arriver...

Chez Edouard, ça passait moins bien que chez les autres parce qu'en plus de tout ça, il était chanceux...

Edouard s'était toujours exprimé dans le dessin...On le disait vicieux parce qu'il adorait choquer, il n'en ratait pas une , mais le coup de la sodomie de sainte Clotilde par l'évêque de Reims avait vraiment choqué l'institution. Et ses parents. Outrés...

Edouard disposait d'une intelligence que tout le monde reconnaissait supérieure à la moyenne, un incroyable talent pour le dessin, inné...

Albert MAILLARD et sa Cécile

C'était un garçon mince, de tempérament légèrement lymphatique, discret. Il parlait peu, il s'entendait bien avec les chiffres. Avant la guerre, il était caissier...Le travail ne lui plaisait pas beaucoup, il y était resté à cause de sa mère...

Il voulait partir, il avait des envies de Tonkin, assez vagues, il est vrai...

Mais Albert n'était pas un type rapide, tout lui demandait du temps. Et très vite, il y avait eu Cécile, la passion tout de suite, les yeux de Cécile, la bouche de Cécile, le sourire de Cécile, et puis forcément, après, les seins de Cécile, le cul de Cécile, comment voulez-vous penser à autre chose...

Elle (Cécile) avait les yeux bleus, bon, à vous, ça ne vous dit rien, mais pour Albert, ces yeux là c'était un gouffre, un précipice. Tenez, prenez sa bouche et mettez-vous un instant à sa place, à notre Albert. De cette bouche, il avait reçu des baisers si chauds et tendres, qui lui soulevaient le ventre, à exploser, il avait senti sa salive couler en lui, il l'avait bue avec tant de passion, elle avait été capable de tels prodiges que Cécile n'était pas seulement Cécile...

Le lieutenant PRADELLE

Albert ne l'aimait pas. Peut-être parce qu'il était beau. Un type grand, mince, élégant, avec beaucoup de cheveux ondulés d'un brun profond, un nez droit, des lèvres fines admirablement dessinées. Et des yeux d'un bleu foncé. Pour Albert, une vraie gueule d'empeigne. Avec ça, toujours l'air d'être en colère. Un gars du genre impatient, qui n'avait pas de vitesse de croisière : il accélérait ou il freinait ; entre les deux,rien. Il avançait avec une épaule en avant comme s'il voulait pousser les meubles, il arrivait sur vous à toute vitesse, et il s'asseyait brusquement, c'était son rythme ordinaire. C’était même curieux ce mélange : avec son allure aristocratique, il semblait à la fois terriblement civilisé et foncièrement brutal. Un peu à l'image de cette guerre. C'est peut-être pour cela qu'il s'y trouvait aussi bien. Avec ça, une de ces carrurs, l'aviron, sans doute le tennis.

...Visiblement, la perspective d'un armistice lui mettait le moral à zéro, le coupait dans son élan patriotique. L'idée de la fin de la guerre, le lieutenant Pradelle, ça le tuait...

Pradelle va épouser la fille de Mr Péricourt, riche industriel (père d'Edouard) et se lancer dans les affaires macabres, si enrichissantes...

Le général MORIEUX (Relation de Pradelle)

Le général Morieux semblait extrêmement âgé et ressemblait à n'importe lequel de ces vieillards qui avaient envoyé à la mort les générations entières de leurs fils...

Fusionnez les portraits de Joffre et de Pétain avec ceux de Nivelle, de Gallieni et de Ludendorff, vous avez Morieux, des bacchantes de phoque sous des yeux chassieux noyés dans un teint rougeâtre, des rides profondes et un sens inné de son importance...

La guerre est finie et revoici notre général...

Le général Morieux paraissait au moins 200 ans de plus. Un militaire, vous lui retirez la guerre qui lui donnait une raison de vivre et une vitalité de jeune homme, vous obtenez un croûton hors d'âge...

Il s'effondrait dans le premier fauteuil venu avec un soupir qui ressemblait déjà à un râle, et quelques minutes plus tard sa brioche commençait à se soulever comme un Zeppelin, les moustaches frissonnaient à l'inspiration, les bajoues vibraient à l'expiration...

LABOURDIN (maire, qui comme certains de nos élus, adorait faire partie de commissions, de comités, de délégations, il y voyait une preuve de son importance ...)


Labourdin était un imbécile grandi par sa bêtise.Elle se manifestait sous la forme d'une ténacité exceptionnelle, incontestable vertu en politique, encore que la sienne ne fût due qu'à son incapacité à changer d'avis et à un manque total d'imagination. Cette stupidité était réputée pratique. Médiocre en tout, presque toujours ridicule, Labourdin était le genre d’homme qu’on pouvait placer n'importe où, qui se montrait dévoué, une bête de somme, on pouvait tout lui demander. Sauf d'être intelligent, immense bénéfice. Il portait tout sur son visage, sa bonhomie, son goût pour la nourriture, sa lâcheté, son insignifiance et surtout, surtout sa concupiscence. Il était heureux, Labourdin, ça se voyait tout de suite. Ventre plein, couilles pleines, toujours prêt à en découdre avec la prochaine table, avec les prochaines fesses. Il devait son élection à une petite poignée d'hommes influents sur lesquels Mr Péricourt (le père d'Edouard) régnait en maître.

Quelques extraits pour situer les personnages au début du roman

Albert enterré vivant :

Pradelle était sur lui, un coup d'épaule dans le buffet et le soldat (Albert) a chuté dans un trou d'obus...

Il doit s'occuper de ce con de soldat, là-bas, dans son trou... Pradelle sort sa seconde grenade...A l'instant même, un obus explose, une immense gerbe de terre s'élève et s'effondre...Le trou est entièrement recouvert. Pile-poil. Le type est en-dessous. Quel con ! L'avantage pour Pradelle, c'est qu'il a économisé une grenade offensive...

Albert va mourir...mais avant, quelle rencontre !


Ses doigts touchent quelque chose de souple, pas de la terre, pas de l'argile, c'est presque soyeux, avec du grain...
A mesure qu'il s’accommode, il discerne ce qu'il a en face de lui : deux gigantesques babines d'où s'écoule un liquide visqueux, d'immenses dents jaunes, de grands yeux bleuâtres qui se dissolvent...Une tête de che
val...


Le titre du roman

Le visage d'Albert est presque bleu, ses tempes battent à une cadence inimaginable, on dirait que toutes les veines vont éclater...il a épouvantablement peur de mourir. Or c'est inutile, il va mourir seul, sans elle. (Cécile)

Alors, au revoir, au revoir là-haut, ma Cécile, dans longtemps.

Edouard Péricourt sauve Albert Maillard

Péricourt s'était fait faucher en pleine course. La balle lui avait fracassé la jambe...Il boitera le restant de ses jours mais sur ses deux jambes...

Son regard reste fixé sur l'endroit où se trouvait Pradelle...Une petite pointe d'acier perce le sol...C'est l'extrémité d'une baïonnette...Là-dessous, il y a un soldat enterré...

En pleurant, il continue de dégager le reste du corps...devant le visage du soldat, il y a une tête de soldat mort...Edouard entend un râle...C'est Albert ...qui se met à tousser...

Edouard Péricourt, gueule cassée,

C'est alors qu'arrive à sa rencontre (celle d'Edouard) un éclat d'obus...

L'éclat d'obus lui a emporté toute la machoire inférieure ; en-dessous du nez, tout est vide, on voit la gorge, la voûte, le palais et seulement les dents du haut...

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