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Mots et Monts

La Belle du Seigneur (Albert Cohen) - 1ère partie

Une histoire d'amour entre Solal, Sous Secrétaire Général à la Société des nations, juif grec beau et ténébreux et Ariane Deume, belle suissesse de bonne famille, bonne chrétienne, qui s'ennuie à mourir avec son époux légitime, Adrien, promu cadre « A » à la Société des Nations.

Ce livre est une tragédie, celle de l'amour absolu. Il se situe dans l'Europe de l'entre-deux-guerres. Voici la Société Des Nations à l'aube du nazisme,gangrenée par le goût du pouvoir, l'antisémitisme, les grimaces sociales (dénommées par Cohen les babouineries)

C'est la bourgeoisie protestante et bien pensante de Genève

 

«  Cette femme qu'il chérissait toujours plus, qu'il désirait toujours moins, et qui tenait à être désirée, qui estimait sans doute en avoir le droit, ce qui était assez agaçant, ô leurs monotones jonctions, toujours les mêmes... »

 

 

Voici quelques extraits pour le plaisir de lire – Cette 1ère partie de mon article porte sur la conquête du cœur de la belle et la marche triomphale de l'amour.

Le seigneur conquiert le cœur de la belle

(Deuxième partie - Ch XXXV)

Ariane Deume se rend chez le Sous Secrétaire Général de la SDN, Solal, où elle pense trouver son mari.

- Où est mon mari ? demanda-t-elle aussitôt entrée

- Il vient de partir pour le palais... A quoi pensez-vous ?

- Que vous êtes odieux

- C'est vrai dit-il et il sourit aimablement... Puisque nous sommes seuls, je vais vous séduire.

- Vous êtes ignoble.

- Bien sûr, sourit-il. Mais dans trois heures, les yeux frits, comme je vous l'ai promis. Oui, séduite par les misérables moyens qu'elles aiment et que vous méritez, éborgneuse de vieillards. Le jour du vieux, j'étais prêt à vous emporter sur le cheval qui attendait en bas, mais ce soir vous me déplaisez. De plus, voyant votre considérable nez en pleine lumière, je suis épouvanté.

- Mufle, dit-elle.

- Voici, je vous propose un pari. Si dans trois heures vous n'êtes pas tombée en amour, je nomme votre mari directeur de section. Foi de gentilhomme et sur la tête de mon oncle. Acceptez-vous ? Si vous préférez partir, libre à vous, ajouta-t-il après un silence, et il indiqua la porte. Par ici la sortie du nez, il pourra passer sans peine, j'espère.

- Goujat, dit-elle

- Eh bien, partez-vous ou acceptez-vous le pari ?

J'accepte le pari, dit-elle et elle le regarda droit....

Et voici, elle s'inclina et ses lèvres se posèrent sur la main de son seigneur, et elle leva les yeux, le contempla, vierge devenue, saintement contempla le visage d'or et de nuit , un tel soleil.

Elle le contemplait, mais elle n'osait parler, craignait de ternir une majesté, et puis sa voix serait enrouée peut-être. Croyante et jeune, elle contemplait gravement son seigneur, éperdument le contemplait, respirait avec peine, glacée, tremblante d'amoureuse frayeur, un mal de bonheur aux lèvres.

 

La marche triomphale de l'amour

(4ème partie - ch LXVII)

 

Marche triomphale de l'amour et joie des foulées chasseresses. Elle le verrait ce soir, et en pensée elle le saluait déjà de l'épée, archangéliquement, et ses remerciements montaient au ciel comme un convoi de tourterelles...

 

Marche triomphale de l'amour. Ô ce soir , ô le sacre et le poids béni sur elle, et le cher visage penché, et les trêves qui laissaient les lèvres se rejoindre... Elle était sa femme et elle le vénérait, sa femme, sa religieuse, sa servante et desservante, comblée de lui donner sa profondeur et qu'il fût en elle...

 

Marche triomphale de l'amour... Ô son sourire, Ô ses dents, ô le meilleur des fils de l'homme

 

Marche triomphale de l'amour... Les autres, que savaient elles faire, les autres ? S'épiler ou se mettre des soutien-gorges avec baleines pour dissimuler leur déshonneur, ou se faire plomber les dents, ou bêler qu'elles avaient le vague à l'âme, ou se vernir les ongles d'horrible rouge pour plaire à d'horribles hommes...

 

Marche triomphale de l'amour...Ô merveille d'être la femme d'un homme et sa proie, la fragile d'un homme.

Marche triomphale de l'amour. Elle allait orgueilleuse et ridicule, géniale.

Marche triomphale de l'amour... Ariane solennelle, à peine souriante, accompagnée par quelle céleste musique, l'amour, l'amour en ses débuts.

 

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